Loi « Climat » : les entreprises face à de nouvelles contraintes environnementales

Issues pour partie des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, les dispositions de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat », visent à verdir tant le comportement des entreprises que celui des consommateurs face aux enjeux du changement climatique. Tour d’horizon de ces nouvelles mesures susceptibles d’impacter l’activité de certaines entreprises.

Affichage de l'impact environnemental des biens et services

Une obligation d’informer, par voie d’affichage, le consommateur sur les impacts environnementaux et le respect de critères sociaux de certains biens et services, qui seront fixés par décret, devra être mise en oeuvre au terme d’une phase expérimentale de 5 ans maximum. Celle-ci débutera d’ici le 22-2-2022 pour le secteur du textile d'habillement, des produits alimentaires, de l'ameublement, de l'hôtellerie et des produits électroniques. À l’issue de l’expéri­mentation, l’affichage environnemental sera rendu obligatoire, prioritairement pour le secteur du textile d’habillement.

Cet affichage, qui s'effectuera par voie de marquage ou d'étiquetage ou par tout autre procédé adapté, devra être visible ou accessible pour le consom­mateur, en particulier au moment de l'achat. Il devra faire ressortir, de façon fiable et facilement compréhensible pour le consommateur, l'impact environnemental du bien ou service sur l'ensemble de son cycle de vie, notamment en termes d'émissions de gaz à effet de serre, d'atteintes à la biodiversité et de consommation d'eau et d'autres ressources naturelles. L’information devra également tenir compte des externalités environnementales des systèmes de production du produit, évaluées scientifiquement, en particulier pour les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires.

Le non-respect de cette obligation d’affichage sera sanctionné par une amende administrative d’un montant maximal de 3 000 € pour une personne physique et de 15 000 € pour une personne morale. Il en sera de même en cas d’utilisation ou de publication d'un affichage non conforme.

Durant la phase expérimentale, les professionnels souhaitant mettre en place un tel affichage devront mentionner son caractère expérimental à proximité immédiate de celui-ci.

À noter que cette mesure remplace le dispositif similaire (mais facultatif), prévu par la loi anti-gaspillage, qui devait entrer en vigueur le 1-1-2022 et qui est donc abrogé.

Information environnementale d’un produit

En application de la loi anti-gaspillage, un dispositif d’information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets par les producteurs et impor­tateurs de ces produits entrera en vigueur le 1-1-2022. Le non-respect de cette obligation donnera lieu, à compter du 1-1-2023, à une amende de 3 000 € maximum pour une personne physique et de 15 000 € pour une personne morale.

Pratique commerciale trompeuse

Sur l’origine d’un produit

La loi précise désormais qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l’origine du produit. Il en est ainsi en cas d’apposition de la mention « fabriqué en France » ou « origine France » ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, sans respecter les conditions du Code des douanes européen sur l'origine non préférentielle des produits.

Sur l’impact environnemental d’un bien ou d’un service (éco-blanchiment)

Est également considérée comme trompeuse la pratique commerciale reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l’impact environnemental d’un bien ou d’un service.

Pour rappel, toute pratique commerciale trompeuse est passible de 2 ans de prison et de 300 000 € d’amende, ce montant pouvant être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires (CA) moyen annuel, calculé sur les 3 derniers CA annuels connus à la date des faits ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité trompeuse. Ce taux est porté à 80 % en cas de pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations environnementales.

Information sur la saisonnalité des fruits et légumes frais

Les magasins de vente au détail de plus de 400 m2 commercialisant des denrées alimentaires devront mettre à la disposition des consommateurs, tout au long de l’année, une information claire et lisible relative à la saisonnalité des fruits et légumes frais proposés à la vente. L’affichage de cette information pourra être effectué par voie électronique. Le non-respect de cette obligation sera passible d'une amende administrative maximale de 3 000 € pour une personne physique et de 15 000 € pour une personne morale. Les modalités de mise en oeuvre de cette mesure seront précisées par décret, notamment pour les fruits et légumes produits sous serre, en tenant compte de l’origine des produits.

Vente en vrac

Au 1-1-2030, les commerces de vente au détail de 400 m2 et plus devront consacrer à la vente de produits présentés sans emballage primaire, y compris la vente en vrac, au moins 20 % de leur surface de vente de produits de grande consommation ou un dispositif d’effet équivalent exprimé en nombre de références ou en proportion du chiffre d’affaires.

Pour les commerces de détail de moins de 400 m2, une expérimentation sur 3 ans est prévue afin d'évaluer les modalités de développement de la vente en vrac dans ces magasins.

Encadrement de certains labels

Label « commerce équitable »

La valorisation des modes de production et d'exploitation respectueux de l'environnement et de la biodiver­sité, tels que l'agroécologie lorsqu'il s'agit de filières alimentaires, est désormais intégrée dans la défini­tion légale du commerce équitable comme l’un des principes clé. En 2023, toute entreprise se réclamant du commerce équitable devra obtenir un label ou un système de garantie reconnu par la plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises.

Labels privés

L’apposition de labels privés sur les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés, est désormais autorisée. Issus d'une démarche collective, ils sont encadrés par un cahier des charges précis, garantissant certaines caractéristiques (qualité particulière, conditions de production respectueuses de l'environnement, etc.) permettant de les distinguer des produits similaires habituellement commercialisés.

Distribution d’échantillons

Au plus tard le 1-7-2022, il sera interdit de fournir à un consommateur, sans demande de sa part, un échantillon de produit dans le cadre d’une démarche commerciale, sauf en cas d’achat ou d’abonnement à une publication de presse dès lors que la présence de l'échantillon est indiquée ou visible.

Une publicité encadrée pour certains produits…

Publicité des produits à fort impact environnemental

La publicité de certains produits (sauf publicité radio­phonique) devra donner lieu à une information synthé­tique sur leur impact environnemental, sous réserve que cette information soit disponible, sous peine d’amende(1). Celle-ci devra être visible et facilement compréhensible. Sont concernés les produits pour lesquels l’affichage environnemental est obligatoire, ceux soumis à une étiquette énergétique obligatoire au niveau européen (électroménager, notamment) et les véhicules concernés par la vignette Crit’Air. Un décret doit fixer les conditions d’application de cette mesure.

Les importateurs et distributeurs de ces produits devront, par ailleurs, se déclarer sur une plate­forme numérique dédiée en cas d’investissements publicitaires ≥ à 100 000 € par an.

Publicité alléguant une neutralité carbone

Sous peine d’amende(1), une publicité ne pourra plus affirmer qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou employer toute formulation de signification ou de portée équivalente, à moins que l'annonceur rende aisément disponible au public les éléments suivants : un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) du produit ou du service ; la démarche permettant prioritairement d’éviter, puis de réduire et enfin de compenser les GES du produit ou du service ; les modalités de compensation des émissions de GES résiduelles respectant des standards minimaux (qui seront définis par décret).

Un décret devra préciser les conditions d’entrée en vigueur de cette mesure.

(1) 20 000 € pour une personne physique / 100 000 € pour une personne morale, ces montants pouvant être portés jusqu'à la totalité du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale.

 

Publicités et enseignes lumineuses

À compter du 1-10-2022, l’utilisation de publicités et enseignes lumineuses à l'intérieur des vitrines ou des baies d'un magasin et visibles depuis la rue pourra être encadrée (horaires, surface, consommation énergétique, etc.) par le règlement local de publicité (RLP). Celles mises en place avant l'entrée en vigueur d'un RLP contenant ce type de mesures et qui n’y seraient pas conformes pourront toutefois être maintenues pendant 2 ans.

En 2024, la police de la publicité extérieure relèvera du maire, qu’il existe un RLP ou non, alors qu’actuel­lement, le préfet est compétent en l’absence de RLP.

… Et interdite pour d’autres

Publicité incitant à la mise au rebut de produits en bon état

Toute publicité ou action de communication commer­ciale visant à promouvoir la mise au rebut d’un produit doit contenir, depuis le 1-1-2021, une information incitant à la réutilisation ou au recyclage de celui-ci. Toute publicité incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou leur réutilisation est, par ailleurs, égale­ment interdite. Aucune sanction n’est toutefois prévue en cas de non-respect de ces dispositions.

À compter du 1-1-2022, ce manquement sera sanc­tionné par une amende administrative (3 000 € maximum pour une personne physique et 15 000 € maximum pour une personne morale), la décision pouvant, en outre, être publiée aux frais de la personne sanctionnée.

Publicité en faveur des énergies fossiles

La publicité en faveur des énergies fossiles (dont la liste sera fixée par décret) sera interdite à compter du 23-8-2022, sauf pour les carburants dont le contenu en énergie renouvelable est réputé ≤ à 50 %, sous peine d’amende (1)(2).

Publicité en faveur des véhicules les plus polluants

La publicité relative aux voitures particulières neuves les plus polluantes - émettant plus de 95 g de CO2/ km/norme NEDC ou plus de 123 g de CO2/km/norme WLTP -, dont la liste sera fixée par décret, sera interdite à compter du 1-1-2028 (soit 2 ans avant la fin de mise en vente de ces véhicules), sous peine d’amende (1)(2). Est par ailleurs désormais interdite toute forme de publicité ou de communication proposant une remise ou une réduction annulant ou réduisant pour le consommateur final l'effet du malus applicable aux voitures particulières les plus polluantes.

(1) 20 000 € pour une personne physique / 100 000 € pour une personne morale, ces montants pouvant être portés jusqu'à la totalité du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale.
(2) Ces montants peuvent être doublés en cas de récidive

Publicité par aéronef

La publicité effectuée au moyen d’une banderole tractée par un aéronef sera interdite à compter du 1-10-2022, sous peine de sanctions (amende administrative de 1 500 € et pénale de 7 500 €), sauf s’il s’agit d’une publicité relative à l’activité exercée par le propriétaire ou l’usager de l’aéronef et sous réserve que l’appareil ne soit pas utilisé ou équipé à des fins essentiellement publicitaires.

Fourniture de pièces détachées

À compter du 1-1-2022, les producteurs d'équipe­ments électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunications, d'écrans et de moniteurs devront assurer la disponibilité des pièces détachées pendant la durée de commerciali-sation du modèle concerné et pendant une période complémentaire minimale (d’au moins 5 ans) après la date de mise sur le marché de la dernière unité de ce modèle (loi anti-gaspillage). La loi Climat étend cette obligation, à compter du 1-1-2023, à de nouveaux produits : outils de bricolage et de jardinage motorisés, articles de sport et de loisirs, vélos électriques ou non et engins de déplacement personnel motorisés. Un décret apportera des précisions sur cette obliga­tion (liste des produits concernés, etc.). L’amende administrative maximale sanctionnant le non-respect de cette obligation sera de 15 000 € pour une personne physique et de 75 000 € pour une personne morale.

À compter du 1-1-2023, l’obligation déjà existante pour certains professionnels de devoir proposer, dans le cadre de prestations de réparation ou d’entretien, des pièces issues de l’économie circulaire au lieu de pièces neuves (pour certaines catégories de pièces de rechange) sera étendue aux professionnels commercialisant des prestations d’entretien et de réparation d’outils de bricolage et de jardinage motorisés et aux réparateurs d’articles de sport et de loisirs, bicyclettes à assistance électrique et engins de déplacement personnel motorisés. Un décret précisera les conditions de mise en oeuvre de cette mesure.

À compter du 1-1-2023, le marché des pièces détachées du secteur automobile sera ouvert à la concurrence. Tous les équipementiers pourront commercialiser les pièces de vitrage. S’agissant des autres pièces détachées visibles (rétroviseur, pièces d’optique et de carrosserie), les équipementiers ayant fabriqué la pièce d’origine pourront la com­mercialiser (à côté des constructeurs) et tous les équipementiers pourront produire et commercialiser ces pièces 10 ans après l’enregistrement du modèle ou du dessin (au lieu de 25 ans actuellement).

 

Commande publique

D’ici 2026, des contraintes environnementales devront être prises en compte dans le cadre de la passation des marchés publics (critère d’attribution désormais obligatoire) et dans les conditions d’exécution de l’offre.

Urbanisme

La délivrance de l’autorisation d’exploitation com­merciale d’un magasin (implantation ou extension) dépend désormais d’un nouveau critère : l’artificiali­sation des sols. Tout projet entraînant une artificiali­sation des sols et portant sur une surface de vente ≥ à 10 000 m² est interdit. Si la surface de vente est < à 10 000 m², le projet doit remplir certains critères géographiques et environnementaux. Pour les surfaces comprises entre 3 000 et 10 000 m2, le projet est soumis à l’avis du préfet.

À compter du 1-7-2023, l’obligation (déjà existante) d’installer des panneaux photovoltaïques ou des toitures végétalisées sur certains bâtiments (com­merciaux, artisanaux, entrepôts, etc.) concernera ceux de plus de 500 m² d’emprise au sol (au lieu de 1 000 m² aujourd’hui), ainsi que les bureaux de plus de 1 000 m² d’emprise au sol, qu’il s’agisse d’une construction, extension ou rénovation lourde. Les aires de stationnement associées de ces bâtiments seront également concernées en cas de rénovation lourde ou de conclusion ou renouvellement d’un contrat de concession de service public, de presta­tion de services ou de bail commercial. De nouvelles contraintes (aménagements hydrauliques ou dispositifs végétalisés, ombrières) s’appliqueront aussi aux nouveaux parcs de stationnement extérieurs de plus de 500 m² ou associés aux bâti­ments précités. La loi prévoit toutefois des dérogations à toutes ces nouvelles obligations.

 

De nouveaux délits environnementaux

Les sanctions pénales en cas d’atteinte à l’environnement sont durcies par la loi Climat et des nouveaux délits sont créés :

- le délit de mise en danger de l’environnement : applicable en cas d’exposition de l’environnement à un risque immédiat d'atteinte grave et durable (pendant au moins 7 ans) de la faune, de la flore ou de la qualité de l'eau résultant du non-respect de la réglementation applicable aux installations classées, à la gestion des déchets et au transport de matières dangereuses (sanction : 3 ans de prison/250 000 € d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu'au triple de l'avantage tiré de la commission de l'infraction) ;
- le délit de pollution de l’air ou de l’eau, qui consiste à rejeter dans l’air ou dans l’eau des substances ayant des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore et la faune en violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement (sanction : 5 ans de prison/1 M€ d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu'au quintuple de l'avantage tiré de la commission de l'infraction) ;
- le délit de pollution en matière de déchets : en cas d’abandon ou de dépôt illégal des déchets entraînant une dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau (sanction : 3 ans de prison/150 000 € d’amende) ;
- Écocide : lorsque les 2 précédents délits sont commis de manière intentionnelle, la sanction est portée à 10 ans de prison et 4,5 M€ d’amende (ce montant pouvant être porté jusqu'à 10 fois l'avan­tage tiré de la commission de l'infraction).

Autres mesures

Prospectus publicitaires non adressés : sauf autorisation expresse visible sur la boîte aux lettres (apposition de la vignette « Oui pub »), leur distribution sera interdite (à l’exception des échantillons de presse), à titre expérimental pour 3 ans dans certaines communes volontaires.

Terrasses chauffées ou climatisées : interdites à compter du 31-3-2022.

Emballage : à compter du 1-1-2025, les emballages en polystyrène, non recyclables et dans l'incapacité d'intégrer une filière de recyclage, seront interdits.

Transporteurs (personnes, marchandises, déménage­ment) : les entreprises de ces secteurs seront sanction­nées (amende de 3 000 € maximum) en 2025 si elles n’informent pas leurs clients des émissions de gaz à effet de serre de leurs prestations sur le territoire national.

TICPE : le remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur le gazole dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sera supprimé d’ici 2030.

Nouveau droit de préemption spécifique aux communes littorales

Un nouveau droit de préemption est créé au profit des communes et intercommunalités afin de leur permettre d’acquérir des biens situés dans une zone exposée à l’érosion du littoral (décret à paraître). Sous réserve de plusieurs exceptions et de certaines conditions, ce droit de préemption concernera les cessions d’immeubles et de parties d’immeubles, de droits indivis ou de parts de SCI, mais aussi les apports en nature au sein d’une SCI et les donations d’immeubles ou d’ensembles de droit sociaux.

 

Loi 2021-1104 du 22-8-2021, JO du 24

© Lefebvre Dalloz

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